Geneaweb - l'histoire de la famille Triadou

Alexandre Bullot

Qui sont ses parents ?

Alexandre, selon sa carte d'électeur, laquelle fait partie des lettres, photos et documents que ma grand-mère paternelle, Antoinette Cholleton, m'a transmis, est né en 1811 à Paris et nous n'en savons pas plus, les actes de l'état-civil de Paris ayant brûlé en 1871 ; si nous ignorons le nom de jeune fille de sa mère et le prénom de son père, une confidence de ma tante Claudine Heller nous apprend que la mère d'Alexandre s'appelait Nicole Héloin ; ainsi qu'écrit dans Les Bullot, il ne nous a pas été possible de retrouver la trace de cette dame ni celle de son époux, mais en dépouillant les registres paroissiaux de Montiers (60), La Neuville-Roy (60), Montmartin (60) et d'autres communes dans lesquelles ont vécu de nombreux Bullot, j'ai ainsi pu remonter la piste et collecter les divers noms constituant cette famille, ainsi Decuignère, de Canlers, Poitevin, Leblond, Lefebvre, Pracquin, Moreuille, etc.
Mais comment établir le lien avec Alexandre dont le père pourrait être Jean Pierre Bullot qui fut l'époux de Marie Reine Nicole Héloin, et dont les actes sont perdus, jusqu'à l'acte de mariage qui nous manque ?
Peut-être est-ce vous, lecteur, qui pourrez faire le lien...

Ce que nous apprennent les lettres, le vouvoiement

Jusqu'à la Révolution le vouvoiement était de mise chez les personnes de qualité et les nobles, le tutoiement étant réservé au peuple ; il faudra que tombe ce qu'on appellera plus tard l'Ancien régime pour qu'on institutionnalise le tutoiement ; il y eut même une loi faisant du tutoiement une obligation ; se vouvoyer après 1789 était suspect et pouvait vous faire emprisonner ; mais cette loi fut vite abrogée en raison de la difficulté de ne pas employer le "vous" en parlant à plusieurs personnes, sans parler des étrangers anglophones pour lesquels déjà la distinction entre "tu" et "vous" n'allait pas de soi.

Alexandre Bullot vouvoyait-il ses proches ? La réponse est assurément oui. Un ami emprisonné à Sainte Pélagie, la prison où les détenus se gardaient eux-mêmes, après avoir été arrêté dans le cadre semble-t-il de "manifestation" après le Massacre de la rue Transnonain en 1834, commence ainsi sa lettre :

Je vais d'abord te tutoyer car ici j'en prends l'habitude et puis quoique cela ne signifie rien c'est entre amis un langage plus naturel, si cela ne te déplaît pas, je t'invite à faire de même...

Ainsi comme on le lit, l'ami en question et Alexandre se vouvoient et il faudra la promiscuité de la prison pour que ledit ami envisage de tutoyer son ami. De même, dans la lettre qu'Alexandre écrivit à une correspondante à Londres et dont il semble très proche, là encore il use du vouvoiement.

Alexandre vouvoie donc ses amis, sans doute ses parents, c'est culturel, de même les lettres de Marie Dubois (sa maîtresse) nous montrent qu'elle le vouvoyait ; question d'éducation quand on a un père ancien curé dont la famille passée de roturière à grosse bourgeoisie a dû passer au vouvoiement, signe évident d'une classe socialement plus élevée. Nous poserons donc que les Bullot autrefois et avant la Révolution étaient sinon des artistocrates du moins des hobereaux que le laminoir révolutionnaire aura dépouillé de tout sauf du vouvoiement. Par contre, son fils Arthur dans sa lettre de 1949 à son père use du tutoiement ; modernisme ou état d'une langue plus jeune ?

L'enquête : la piste Charles Bullot, ou le frère disparu

Des recherches approfondies sur les divers sites généalogiques ne donnent rien, mais le très intéressant site www.famylysearch.org des Mormons m'ont permis de retrouver une fiche que voici :
Référence de ce document : "France Deaths and Burials, 1546-1960", database, FamilySearch www.familysearch.org/ark:/61903/1:1:FXLH-4YQ, 15 October 2019), Jean Pierre Michel Bullot in entry for Charles Bullot, 1807.

Accéder aux Archives départementales de Seine et Marne est un jeu d'enfant, je mets la main sur l'acte de décès de l'enfant sus-nommé :

"Du quatorze octobre mil huit cent sept à trois heures du soir,
Acte de décès de Charles décédé du treize du dit mois, à deux heures du soir, âgé de trois ans et demie, natif de Paris section de Bonne nouvelle fils de Jean Pierre Michel Bullot profession de cuisinier demeurant à Paris même section et de Marie Reine Nicolle Élloin son épouse constaté suivant la loi puis nous Jean Louis Daudier maire de la commune de Every chargé de la rédaction des actes de l’état civil, sur la réquisition du dit Bullot père de l’enfant, et sur la déclaration de Pierre Jacques Desmarquets, âgé de quarante un ans, et de Claude Gripain manouvrier, âgé quarante deux ans, tous deux demeurant en cette commune lecture faite du présent acte et les témoins ont signé avec nous à l'exception dudit Gripoin qui a déclaré ne savoir signer les dits jour mois et an"

Note : Au cours de la Révolution française, la commune d'Évry-les-Châteaux (77) porte le nom d'Évry-la-Montagne. Évry-les-Châteaux et Grégy-sur-Yerres fusionnèrent pour donner naissance à Évry-Grégy-sur-Yerre.

L'enfant est né à Paris section de Bonne nouvelle, une section révolutionnaire parisienne dont les limites sont le boulevard, à droite, de la rue Poissonnière à la rue Saint-Denis ; la rue Saint-Denis, à droite, jusqu’à la rue Thévenot ; la rue Thévenot, à droite, jusqu’à la rue des Petits-Carreaux ; les rues des Petits-Carreaux et Poissonnière, à droite, jusqu’au boulevard.

De ce qui précède on conclut que Jean Pierre Bullot et Marie Reine Nicole Héloin vivent à Paris ; que sont-ils allés faire à Every les Châteaux ? nous ne le savons pas mais devinons qu'ils y sont restés un certain temps et pas seulement le week-end ; y ont-ils de la famille ? la chose est possible et il faudrait dépouiller les registres pour y chercher des Héloin, une opération qui prendra du temps.

Il nous reste à voius montrer l'acte de décès de Nicole Héloin, ci-dessous mentionné, qui n'apportera qu'un seul détail intéressant : la dame est décéée à Belleville, non loin du domicile d'Alexandre Bullot.

L'an mil huit cent quarante huit , le vingt avril est décédée à Belleville (Seine), Marie Reine Héloin, couturière, âgée de soixante-dix ans, veuve.

L'enquête : le mariage Bullot-Héloin

Voici maintenant, tirée des fonds Andriveau, la fiche du mariage du couple, que vous pouvez voir ci-contre (les fiches sont toujours rédigées en double, une au nom de l'époux et une autre au nom de l'épouse) :

Fonds Andriveau
Mariages à Paris (1613-1805)
Individu concerné: Pierre HELOIN
Date: 01/12/1799
Héloin Marie Reine Nicole
fille de Pierre
et de Dorré Marie Jeanne Michel
et
Bullot Jean Pierre Michel
10 frimaire an 8
3 ar

Marie Reine Nicole Héloin serait née vers 1778, s'est mariée en 1799 à Paris alors qu'elle a environ 21 ans, à 25 ans c'est la naissance de Charles et 33 ans à la naissance d'Alexandre. Elle réside à Paris mais décède à Belleville où résidait Alexandre (décédé en 1855). Autres indices : la nourrice d'Arthur écrit à Madame Bullot au 105 rue Montmartre à Paris, l'ami emprisonné à Sainte Pélagie écrit à Alexandre à cette même adresse, Marie DUbois dans ses lettres parle de la mère d'Alexandre, qu'elle voit souvent puisqu'elles habitent Paris.

Nous voici confrontés au mêmes dilemmes auxquels les historiens professionnels se heurtent : sans détenir aucune preuve tangible, en faut-il plus pour apporter du crédit à Claudine Heller et tenir pour vrai l'assertion selon laquelle Nicole Héloin est la mère d'Alexandre ?
Jusqu'à preuve du contraire, Alexandre est le fils de Nicole Héloin et de Jean Pierre Bullot.

10 mai 1811 : naissance d'Alexandre Bullot à Paris

Ainsi qu'il a été dit dans Les Bullot, l'incendie de l'Hôtel de ville, entre autres, et la perte de millions d'actes d'état-civil dont certains remontaient à des siècles, a gravement nui aux chercheurs, notaires et autres ; comme le prescrit la loi, l'état doit tout faire pour reconstituer les actes perdus et c'est ainsi qu'en février 1872, on promulgua destinée à permettre la reconstitution des actes perdus ; à l'heure actuelle seulement un tiers a pu être reconstitué et malheureusement, les actes de naissance d'Alexandre Bullot et celle de son fils Arthur font partie des deux tiers restant.
Les généalogistes en principe se rabattent sur les actes de mariage, lesquels contiennent des données permettant de combler les manques, mais pour ce qui concerne Alexandre, il ne s'est jamais marié...

Alors ?
C'est là qu'il nous faut remercier Antoinette Cholleton, ma grand-mère paternelle, fille d'Antoine Cholleton et de Marie Bullot, fille d'Arthur et petite-fille d'Alexandre, car elle m'a transmis un grand nombre de lettres, photos et documents dont les plus anciens remontent au 18e siècle.

La carte d'électeur

C'est une carte d'électeur en vue des élections présidentielles de 1848 qui nous donne la date et le lieu de naissance d'Alexandre Bullot : 11 mai 1811 à Paris ; également sa profession, homme de lettres ou son synonyme d'aujourd'hui journaliste ; de même savons-nous qu'il résidait au 16 rue Levert dans la commune de Belleville qui sera rattachée à Paris en 1860. Ci-contre à droite, vous pouvez voir ladite carte que vous retrouverez en plus grand format dans la Galerie.
Vous n'aurez pas été sans remarquer que sur cette carte le patronyme Bulot ne porte qu'un seul L ; en fait, dans les registres paroissiaux et d'état-civil dépouillés, on trouve Bullot et Bulot, ce qui ajoute à la confusion.

Les écrits

D'Alexandre, il nous reste des écrits, peu nombreux à dire vrai, une lettre et un poème écrits de sa main, ledit poème figure ci-contre ; nous avons aussi la lettre qu'un ami lui envoya de la prison de Sainte Pélagie, ami qui fut détenu politique après semble-t-il les événements survenus à Paris (voir les émeutes d’avril 1834 après lesquelles 164 personnes furent arrêtées et conduites à Sainte Pélagie).

Alexandre et Marie

Je ne vais pas récrire l'histoire d'Alexandre et de Marie, vous la trouverez dans la fiche de Marie Dubois, mais certains détails méritent d'être cités, ainsi Alexandre, selon l'acte de naissance de son fils, était compositeur en imprimerie ; l'adresse mentionnée dans ledit acte est "66 rue du faubourg Poissonnière à Paris", mais qui habitait réellement à cette adresse ? Était-ce Marie ou bien Alexandre ? Voyez dans la fiche de Marie ce que j'en dis.

Les écrits d'Alexandre

Une lettre adressée à une femme dont on ne sait pas le nom et que je n'ai pas pu identifier, datant du 10 mai 1849, nous apprend que la destinataire est à Londres pour y effectuer un séjour, mais elle semble assez dépressive.

« Ce 10 mai 1849
J’avais remis à plus tard l’envoi de cette lettre, voulant vous donner satisfaction quant à l’envoi des journaux de mode que vous me demandiez, avant-hier mercredi 8 mai je vous expédiais le Moniteur et 3 gravures d’autres publications, cet envoi selon moi devait vous expliquer que j’avais reçu votre lettre et vous faire penser que ni moi ni Arthur n’étions malades. Le Peuple que vous aviez reçu précédemment devait aussi dans ma pensée avoir cet effet et si je n’y avais rien aporté à la main sinon quelques lettres entre les cachets de l’enveloppe, c’est que je craignais par là de vous occasionner la peine d’une amende. Aujourd’hui je reçois votre lettre qui me désole. C’est quand je crois que vous avez passé le plus pénible de votre séjour et surmonté les obstacles contre lesquels je ne vous conseillais pas de lutter que la tristesse vous envahit plus que jamais et amène la maladie qui vous met aux portes du tombeau. N’avez-vous donc préparé pendant si longtemps votre voyage et ne l’avez-vous accompli que pour vous assurer de nouvelles traversées qu’ainsi que beaucoup d’autres vous auriez pu vous éviter en restant plus docile à mes avis. D’après votre première lettre qui me faisait déjà pressentir des catastrophes, je vous disais qu’il n’y avait pas à hésiter à revenir du moment que votre esprit s’attristait, que votre santé était atteinte, et qu’un emploi fructueux vous manquait. Vous avez sans me répondre persisté à rester, et après m’avoir annoncé que vous aviez un emploi jusqu’à la fin août qui pouvait à cette époque vous laisser […] une somme de 400 francs, vous semblez me demander aujourd’hui que nous sommes en mai et que la température si rigoureuse qu’elle soit à Londres ne peut manquer de s’adoucir promptement, vous semblez me demander car vous ne vous exprimez pas encore d’une manière bien franche et bien nette, si vous devez revenir. Vous devez croire assez à mon affection pour penser qu’à cet égard du moment que votre santé est en cause je trouverai bien ce que vous aurez fait. Je ne vois pas d’assez près ou assez clairement votre position à Londres pour vous donner un conseil positif. Je vois seulement que le plus fort des épreuves me paraît fait mais je me hâte de dire que cette considération est sans valeur pour moi devant l’intérêt de votre santé dont vous êtes malheureusement trop souvent mauvais juge. Faites donc à votre gré. Revenez tout-à-fait et tout de suite ou faites s’il est possible un simple voyage de 8 ou 15 jours pour vous rétablir complètement. Dans tous les cas vous serez reçue à bras ouverts. Si vous restez jusqu’à fin août, faites tout pour vous distraire et revenez-moi grosse grasse et de bonne mine. S’il n’y a moyen que de traîner une existence languissante et maladive et de voir ruiner son tempérament, ne restez pas. La santé, c’est l’unique bien des pauvres gens.
Je vous ai envoyé chez miss Louise le Moniteur de la mode on ne s’abonne pas à moins de 6 mois prix 25 fr. pour l’année 14 fr pour 6 mois. Il paraît trois numéros par mois j’ai donné 10 centimes d’affranchissement à la poste. Je n’ai pas pris d’abonnement. J’ai acheté seulement ce numéro que j’ai payé 1 fr. c’est le prix des numéros détachés. Il contient 2 gravures, et j’en ai ajouté 3 autres que j’ai acheté chez différents marchands à raison de 25 et 30 centimes, ce qui fait 80 centimes, et en tout affranchissement compris 1 fr. 90 On aurait peut-être plus d’économie ou d’avantage si le texte du journal n’est pas utile à acheter des gravures diverses selon qu’elles sont plus gracieuses et à les mettre à la poste, ce qui peut se faire pour les gravures comme pour les journaux je vous avais envoyé en même temps qu’un petit mot par l’occasion de la mère Flamand. Un petit paquet de papier à lettre tête concorde. Réfléchissez si un voyage peut vous aider à finir jusqu’au mois d’août et si ce ne serait pas une économie de diminuer votre résultat pour obtenir la force et un peu de gaîté. Vous trouveriez peut-être par des commissions un moyen de le rendre moins coûteux.
Je vous embrasse de tout cœur.
A. Bullot
Il règne assez d’agitation ici relativement aux affaires d’Italie. La popularité de Bonaparte s’en va. Aujourd’hui doit avoir lieu une séance agitée. Il n’y a cependant pas apparence d’émeute. »


Cette lettre qui nous est restée après avoir voyagé jusqu'à Londres est revenue à Paris quand celle à laquelle elle était destinée rentra en France.
Mais qui est-elle ? La lettre ne porte aucun prénom et aucun indice ne peut nous mener à trouver son identité.
Nous savons cependant que ce n'est pas la mère d'Alexandre, Marie Reine Héloin sa mère décédée en 1848, non plus Marie Dubois, encore que...
Cette lettre date du 10 mai 1849, le 24 mai 1849 Arthur écrira à son père (voir lettre ci-dessous) et lui dira "... Lundi j'irai te voir", dans cette même lettre il cite Mme Guenet et Mlle Louise, n'est-il pas chez elles à cette date ? pourquoi les citer si ce n'était pas le cas ?
Tous ces indices me conduisent à conclure de façon quasi certaine (comme le font les historiens que rien n'arrête) : la destinataire de la lettre d'Alexandre n'est autre que Marie Dubois.

Voici la lettre d'Arthur en date du 24 mai 1849 et dont je vous ai parlé :
Lettre d’Arthur Bullot à son père domicilié rue des Moulins, n° 15, Belleville en-tête du papier « Demi-pension des frères, 10 rue des Francs-Bourgeois (Marais) 

« Cher Papa J’ai été reçu pour la première communion qui se trouve le 7 juin 1849 je te prie de venir commander mon habillement qui se compose d’un pantalon blanc d’un uniforme et d’un képi. Tu viendras à la pension faire les arrangements avec le frère sous directeur qui l’a bien recommandé Il faut en outre donné 20 francs pour la bandeau de confirmation pour le cierge pour le pain béni et pour le cadeau que l’on donne à celui qui nous a instruit des vérités de la religion pour le prix vous vous arrangerez avec le frère Directeur. Mme Guenet et Mlle Louise m’ont dit de te dire beaucoup de choses de leur part je suis pour la vie ton fils Arthur Bullot.
Paris ce 24 mai 1849

je t’attends avec impatience
Lundi j’irai te voir »

Un poème non daté qu'il écrivit à Jenny

Notre Alexandre est un homme de lettres, il manie la plume et laisse s'épancher son âme sur le papier, témoin ce poème qu'il écrivit en songeant à une femme prénommée Jenny.

« À Jenny, ces violettes
Fleur modeste au doux parfum
que la fée au sourcil brun
qui vous tira de leur cachette
n’anima point de sa baguette
et laisse au gît commun
où l’âme des fleurs végète

À Jenny, ces violettes
dont la robuste fraîcheur
de ses brpulanes pommettes
bannira la fébrile ardeur
Jenny, quand la souffrance qui guette
l’écart d’un régime sauveur
ni et l’amitié qui s’inquiète
ni et l’ordonnance du docteur
n’ont rien à dire aux violettes

À Jenny ces violettes
Où perlent des gouttelettes
qui dans les termes les meilleurs
disent qu’on verse aussi des pleurs
au royaume des violettes.

partie biffée
« Jenny de vos humbles soeurettes
vous comprenez la douleur
Ici bas qui ne regrette
quand un être chéri, quelque sœur,
il n’est félicité complète
pour qui conserve un tendre cœur

en marge Jenny, pourquoi ce cles (?) muette
dans le deuil et dans la douleur
ici bas qui ne regrette
qui ne peut un deuil en son cœur
ce que pleurent les violettes
(partie manquante)
Jenny comme vos sœur muettes
vous connaissez la douleur
ici bas qui ne regrette
quelque objet comme quelque fleur
il n’est félicité complète
pour qui conserve un tendre cœur.

verso Fleur modeste au doux parfum
de Jenny les sœurs cadettes
Pour qui je n’ai décret aucun
je charge ces interprètes
d’un supplément opportun
À mes rimes fort discrètes
Mous la fée au sourcil brun
a rembruni la fossette
et s’armant de sa baguette
fait rentrer dans sa cachette
un sentiment importun.
Du poète
la musette
est coupée
et la fée
met au vent
du galant
l’équipée
de la fleur
la fraîcheur
a passé
du bouquet
le caquet
a cessé
et ma bluette
affaissée
sur sa tige fluette
comme une violette
s’est renservée.

Qui était Jenny et à quelle date ce poème a-t-il été écrit ? La réponse est peut-être dans le paragraphe "Décès" ci-après...

Décès d'Alexandre Bullot

Voici son acte de décès reconstitué et les archives fiscales :

L’an mil huit cent cinquante cinq, le vingt six avril, est décédé à Paris, rue de la Douane, 8, cinquième arrondissement, Alexandre Bullot, homme de lettres, âgé de quarante-trois ans, né à Paris, célibataire.

Archives fiscales de Paris, 5e ancien, 1855

n° d'ordre 201,
Bullot,
Alexandre,
profession : h. lettres,
domicile : 8 douane (8, rue de la Douane, 5e ancien),
age : 43,
date décès ou envoi en possession : 1855 26 avril
célibataire, marié ou veuf : C

Solution du poème : Alexandre habite au 8 de la rue de la Douane en cette année 1855 ; du numéro 12 au 16, dans la même rue et sur le même trottoir, le Tivoli-Vauxhall propose aux messieurs un bal public où très probablement, puisqu’il était célibataire, il alla s’amuser dans la grande salle de danse ou au grand café donnant sur un vaste jardin où le tout-Paris allait se distraire.
Des artistes tels Edme-Étienne-Jules Renaudin, dit Valentin le Désossé, Valentin Montagné ou encore Seigneur Valache, s’y sont produits, d'autres artistes plus ou moins connus aussi, alors pourquoi pas une certaine Jenny à qui il écrivit un poème ?

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